CAMÉCRANS
une seconde
court-métrage + diptyque vidéo
par albane
Autour de moi, je remarque les usages du camécran comme un moyen de communiquer avec les autres, de montrer sa présence à autre que soi, de se représenter au regard d’autrui, de démontrer des instants de sa vie que l’on a filmé soi-même pour se dire « j’y étais ».
Mon utilisation du camécran a un lien avec la pratique du journal filmé au cinéma et en art vidéo, voire au format du vlog sur les réseaux sociaux, mais dans une forme beaucoup plus concise. Les secondes sont comme des micros-entrées dans un journal, elles n’ont pas de rapport direct les unes avec les autres mais le fil rouge qui les lient est qu’elles représentent mon quotidien au jour le jour.
Ma pratique audiovisuelle m’amène à me questionner sur :

• Comment le camécran transforme nos relations et notre façon d’être ensemble ?

• Quelle est la production de soi que le camécran permet ?
Durant les premiers mois de ma pratique, j’ai publié ces secondes, chaque mois, en stories Instagram sous forme de compilation des secondes du mois. Cette fonctionnalité de l’application, éphémère par essence, corrobore l’aspect fragile de ces instants capturés par le camécran. Ce sont des instants de vie balayées en un swipe de son écran de smartphone, revécus en une seconde puis oubliés.

Dès le départ, il y avait cette idée de mettre en avant des moments socialement valorisés, comme des grands événements, des voyages, la rencontre avec des personnalités publics. Des moments de ma journée que j’envisageais comme les plus représentatifs et dignes d’être montré à un public. Il y avait ce réflexe de sortir mon camécran mobile à l’idée de filmer un événement et de me dire « je vais faire ma seconde du jour ». A travers ce partage en ligne d’instants de ma vie que j’ai soigneusement choisi, la dimension de performance sociale est importante. Se montrer sous son meilleur jour, vouloir impressionner les personnes qui regarderont mes secondes étaient pour moi des enjeux importants à chaque publication. De manière à construire mon identité numérique et de choisir comment je veux que l’on me perçoit, d’avoir cette illusion que ma vie est remplie, intéressante, productive. J’anticipais le regard d’autrui sur moi-même à travers ce que je voulais montrer de ma vie.

Quelques mois plus tard, en juillet 2023, j’ai décidé de ne plus publier chaque mois mes secondes, justement pour me détacher de cette performance sociale. Aussi pour me permettre d’inclure dans mes secondes des moments que je ne veux pas partager à un public mais que je veux garder pour moi-même. Mon regard sur cette pratique de collecte de moments filmés au camécran a changé vers une vision moins performative et moins mise en scène. Une approche plus intime et connectée à mon envie nostalgique de regarder plus tard ces moments, choisis pour ce qu’ils sont, et non plus ce qu’ils laissent paraître pour les autres. De même qu’au fil des mois, je me suis moins mis la pression quant au choix des secondes. Je filmais des moments que je considérais moins importants, voire banals, comme des paysages, des objets ou quelque chose que je trouve beau, intéressant, intriguant. Ces éléments que je rencontre durant mes journées sont, en soit, aussi des secondes de ma journée, au-delà de l’importance que je leur porte.
Me filmer et filmer ce qu’il y a autour de moi est une pratique quotidienne. J’ai collecté chaque jour, depuis le 3 novembre 2022 jusqu’à aujourd’hui, une seconde filmée de ma vie. Pour cela, j’utilise l’application 1 Second Everyday (1SE), développée par Cesar Kuriyama en 2013, qui permet à l'utilisateur d'enregistrer une seconde de vidéo chaque jour, puis de les éditer (mash) chronologiquement en un seul film. Ma matière filmique, une fois compilée, dure environ 6 minutes. Cette initiative de collecte de souvenirs est importante pour moi car elle me permet d’avoir un souvenir bref et vivant de mes journées. La capture de cette seconde est surtout motivée par la valeur du moment que je vis, ce qui entraîne une hiérarchisation des images.
Le rythme de ce mash automatisé par l’application est soutenu. Il indique également la date de l’enregistrement de chaque seconde, ce qui montre le passage du temps. Ces petites scènes sont comme des wagons de couleurs et de formes qui défile sous nos yeux. On remarque des motifs récurrents, comme des visages ou des lieux qui reviennent, des transitions en écho visuel ou bien de mouvement. Ce tourbillon visuel qui fait succéder des vidéos toutes égales en temps demande de soutenir sa concentration, sans pause. Cet effet de vitesse peut, pour celleux qui découvre ces images pour la première fois, favoriser une attention visuelle flottante, c’est-à-dire que l’attention peut aller et venir pendant un laps de temps. Un motif, une forme, une couleur, un son particulier peut interpeller la spectateur·ice et capter son attention visuelle et/ou sonore.

J’ai donc décidé de labelliser ces moments de vies en trois catégories majeures : les interactions, les activités et les lieux. Ces dernières regroupent des sous-groupes. Tous renvoie à comment je perçois et j’interprète les vidéos filmées au camécran, comment je les ordonnent, les classent, les labellisent. Ces mots-labels que je leur donne ne sont pas ceux que la spectateur·ice peut leur prêter, car il s’agit de mon point de vue sur ces images de mon quotidien. Cette pratique au camécran témoigne de la maîtrise du regard sur moi-même et du contrôle que j’exerce sur ce que je cadre et ce que je ne cadre pas.

La liste de mots est une énumération des motifs récurrents que j'ai identifié à travers les 6 minutes du court-métrage initial. J'ai choisi deux de ces mots particulièrement (écrans, végétation) car ils s'agissent de ceux qui reviennent à l'image le plus souvent. J'ai mis en avant ces motifs-là en les regroupant dans des montages spécifiques, afin d'isoler ces moments liés.
chronologie
fête
moi
amis
famille
personnalité



repas
sport
écrans
feux d’artifices
théâtre



végétation
ciel
ville(s)
marche
train
voiture
bâtiments
grenoble
valence
cannes
paris
écrans
montage
motifs
végétation
Voici ma liste de motifs que j'identifie dans mes secondes :
interactions :







activités :







lieux :
(écrans, végétation)